La conquête spatiale a-t-elle encore un sens ? Dans un article publié par Le Drenche, sous forme d’argumentaires opposés, Vincent Liegey défend le fait de « se réapproprier le sens des limites ». Un article éclairant qui met en parallèle décroissance et progrès scientifique.
Avec la Décroissance, nous posons d’abord la question de l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini. Mais nous ne nous arrêtons pas là, car l’enjeu est bel et bien de poser la question du sens de la croissance pour la croissance. Et la conquête spatiale s’appuie sur cet imaginaire du toujours plus, de la fuite en avant, de l’hybris.
Donc, oui la question du sens est bel et bien la bonne question : pourquoi devons-nous conquérir l’espace ? Pour y chercher quoi ? Avec quels objectifs ? Pour fuir quoi ? A quels prix : pas en terme de coût mais en terme de travail, d’exploitation, d’impacts sur nos environnements mais aussi sur notre bien-être et nos imaginaires ?
La nouvelle technologie devient plus problématique qu’utile
En effet, comme nous l’apprend Ivan Illich, l’un des précurseurs de la Décroissance, lorsque l’on développe une nouvelle technologie, institution ou pratique, on arrive à un moment donné à un seuil de contre-productivité. Là où cette innovation, avait pour objectif de nous libérer, de répondre à des besoins fondamentaux, à partir d’un certain niveau elle devient plus problématique qu’utile. Par exemple, l’automobile, qui a permis la mobilité et l’ouverture à l’autre est devenue un outil totalement inefficace (on va toujours plus vite pour habiter toujours plus loin donc pour se déplacer toujours plus lentement !), mais surtout absurde (on en est dépendent, je travaille pour payer ma voiture et j’ai besoin d’une voiture pour aller travailler) voire destructeur (changement climatique, artificialisation des sols, etc.). Ainsi la question de la conquête spatiale n’échappe pas non plus à cette question ? Est-ce que ça a du sens de travailler, exploiter, se mettre en danger, mettre en péril l’environnement pour aller chercher ce que l’on a déjà ?
Il faut se libérer de cette pulsion d’immortalité
Nicholas Georgescu-Roegen, un autre précurseur de la Décroissance, écrivait : « Chaque fois que nous produisons une voiture, nous détruisons irrévocablement une quantité de basse entropie qui, autrement pourrait être utilisée pour fabriquer une charrue ou une bêche. Autrement dit, chaque fois que nous produisons une voiture, nous le faisons au prix d’une baisse du nombre de vies humaines à venir. » N’est-ce pas la même chose avec une navette spatiale ? Ainsi, il faut se libérer de cette pulsion d’immortalité, du toujours plus, du déni de notre humanité et se réapproprier le sens des limites en se posant la question : qu’est-ce que la vie belle ? Qu’est-ce qui nous rend heureux ? Afin de retrouver sens et bien-être, apprenons à apprécier l’instant présent, l’espace présent et libérons nous de cette folie du mythe du toujours plus, toujours plus loin, plus vite, plus fort… C’est ce que l’on propose avec l’abondance frugale.
Pour lire l’argumentaire opposé par Frédéric Marin, docteur en astronomie et astrophysique, retrouvez l’article en intégralité sur https://ledrenche.fr/2018/12/conquete-spatiale-encore-un-sens-5390/, et jouez le jeu de la prise de position proposé par Le Drenche.