Bienvenue en décroissance – Conférence internationale de la Décroissance de Budapest

Du  30 août au 3 septembre 2016, Budapest a accueilli à l’Université Corvinus la 5e Conférence internationale de la décroissance. Vincent Liegey, co-auteur d’Un Projet de Décroissance (Editions Utopia) et coordinateur de l’événement nous livre son carnet de bord sur l’organisation de cet rencontre majeure pour les objecteurs de croissance.

Tout a commencé à Leipzig en septembre 2014 lors de la 4e Conférence internationale de la décroissance. Nous avions organisé avec plusieurs collectifs d’Europe centrale, de l’Est et des Balkans une session spéciale posant la question de la pertinence de la décroissance dans un contexte post-communisme d’État. Lors du déjeuner suivant cette session émerge alors l’idée d’organiser la 5e édition à Budapest. Quel projet ! Je propose à travers ce texte de revenir de manière critique et réflexive sur cette aventure formidable, pas toujours facile, conviviale et riche d’enseignements. Pendant deux ans, nous avons flirté avec nos limites, nous avons dû composer avec nos contradictions, entre principes, aspirations, cohérence et réalité… Bienvenue en décroissance.

Comment éviter la crise de croissance ?

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Vincent Liegey

Les choses se mettent en place au cours de l’automne et se concrétisent en janvier 2015 à l’occasion d’une rencontre régionale à Budapest. Un collectif ouvert se construit autour de coopérations à la fois budapestoises, hongroises mais aussi régionales. L’Université d’économie accepte de nous accueillir. Fin janvier, le projet de candidature est ficelé, puis retenu en mars. Tout au long de cet hiver, je suis traversé, taraudé, par ce questionnement : comment mener à bien un projet d’une telle ampleur, une rencontre internationale, en cohérence avec les principes de la décroissance ? Je suis actif dans ce mouvement depuis une dizaine d’années. Je ne me suis épanoui que dans des petits collectifs ouverts, sans bureaucratie, sans administration, mais basés sur la confiance, la débrouille, le faire soi-même, quels que soient les projets, théoriques ou pratiques, organisationnels ou communicationnels. Toute tentative autre s’est mal terminée. Comment alors éviter la crise de croissance ? Est-ce possible pour un projet d’une telle ampleur ? La décroissance ne consiste t-elle pas, en premier lieu, à questionner les limites ? De plus, nous avons la responsabilité de passer après la conférence de Leipzig et ses 3 500 participants, mais aussi après les aventures de Paris, Barcelone, Montréal et Venise qui, chacune à leur manière, ont rencontré de vifs succès. Où se situent les seuils de contre-productivité d’un tel projet ? Une conférence internationale de la décroissance, n’est-ce déjà pas contradictoire ? Comment l’organiser ? Quelles limites de participants, d’événements, de tâches, de budget pour nos équipes ?

« Le but est d’offrir, le temps d’une semaine, à Budapest, des espaces de sérénité afin de se rencontrer et d’échanger, en insistant sur la diversité des approches, des cultures, des chemins et des méthodes. »

Ces débats et réflexions sont déjà bien présents dans le projet de candidature. Très vite un consensus s’impose autour de l’idée de limiter le nombre de participants : « small is beautiful ». Face à cette question,  un consensus s’impose très vite : nous décidons de limiter les participants à 500. L’enjeu n’est pas de faire du buzz pour du buzz, ni de faire nombre. Au contraire, nous souhaitons proposer un espace de dialogue convivial autour de la décroissance. Le but est d’offrir, le temps d’une semaine, à Budapest, des espaces de sérénité afin de se rencontrer et d’échanger, en insistant sur la diversité des approches, des cultures, des chemins et des méthodes. Cette diversité est ce qui fait la force de la décroissance.

Budapest s’est imposée d’elle-même. Cette ville permet de se réapproprier des espaces où le temps semble s’être arrêté, la créativité pouvant totalement s’exprimer. Portés par cette cohérence et afin de ne fermer aucune porte, nous proposons de lancer un appel pour des événements locaux et parallèles partout à travers le monde. Ainsi, nous allons mettre en place des outils interactifs qui permettent de se rencontrer, de dialoguer. L’enjeu est de trouver un juste équilibre entre le besoin, la pertinence, d’une rencontre biennale large et la cohérence de la relocalisation. De même, émerge rapidement l’idée d’organiser en parallèle de cette conférence, une semaine de la décroissance. On propose ainsi un festival ouvert à toutes et à tous, immiscé dans la vie budapestoise. Sans trop savoir exactement quelles formes prendront ces idées encore floues, nous faisons le choix risqué et nécessaire de l’expérimentation.

De l’international vers le local…

Ce dernier projet est porté par le groupe de soutien (support group), composé d’organisateurs des anciennes éditions. Un cahier des charges est proposé. Notre candidature est étudiée en profondeur, sélectionnée, puis vivement commentée. Plusieurs critiques, questions et défis émergent. On se retrouve ainsi à expérimenter dans le concret ce que nous théorisons : la question de la relocalisation ouverte et ses institutions, de la subsidiarité et de ses limites.

Quelles marges de manœuvre, quelle autonomie avons-nous par rapport à cet héritage ? Quels équilibres trouver entre un groupe légitime, expérimenté, une dynamique internationale et des contraintes et aspirations locales ? Tout le printemps sera traversé par ces questions qui restent prégnantes et continuent à animer le groupe de soutien que nous venons de rejoindre.

Ainsi, malgré une opposition forte, nous restons fermes sur notre choix, risqué mais cohérent, de limiter le nombre de participants. D’autres remarques, critiques et conseils seront pris en compte. Le dialogue se met en place, non sans incompréhensions. Nous devons jouer les équilibristes entre la responsabilité offerte de représenter un mouvement international en pleine croissance et les contraintes inhérentes à des moyens limités, aussi par choix, et l’ancrage dans des dynamiques locales naissantes et fragiles.

« On relocalise et on ouvre : le local offre des conditions d’accueil conviviales et cohérentes, le global offre une dynamique qui renforce le local, suscite de l’intérêt et ouvre des portes. »

Ces questions interpellent sur le rôle des institutions. L’expérience nous montre leur pertinence quand elle ne sont pas un lieu de décision, de pouvoir mais quand elles offrent des espaces de rencontres, d’échanges et de dialogues entre le local et le global, entre des contraintes particulières et des expériences riches. On expérimente ainsi la subsidiarité, en partant de l’international vers le local.

… et du local à l’international

Nous voilà à Budapest, ou plutôt dans notre région avec notre projet collectif. Fin juin se tient la première réunion de coordination. Pendant trois jours, on va peaufiner le projet et construire les piliers, les fondations de cette rencontre : quel sens, quels objectifs, quelles cohérences avec la décroissance. On commence aussi à construire les équipes, le budget, le calendrier des tâches. Non sans désaccords, une dynamique de groupe se met en place. L’enjeu va être d’animer ensemble un collectif divers et ouvert avec des habitudes, approches, visions, perceptions, attentes ou encore objectifs contradictoires mais surtout complémentaires. Ce projet s’appuie sur le local, où nous expérimentons, à Budapest, au quotidien, la décroissance à travers un réseau d’alternatives. Il s’ouvre au régional et s’articule autour de partenaires souvent plus institutionnalisés de Gödöllö, de Ljubljana, de Zagreb, mais aussi d’Allemagne. Enfin le dialogue avec le groupe de soutien reste central et a pour but d’accueillir des centaines de personnes de nos réseaux et d’ailleurs. L’enjeu est effectivement d’inscrire cette rencontre dans la vie hongroise, de sortir de nos réseaux privilégiés. On relocalise et on ouvre : le local offre des conditions d’accueil conviviales et cohérentes, le global offre une dynamique qui renforce le local, suscite de l’intérêt et ouvre des portes.

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L’art de la débrouille

La question du budget ne fut pas simple du fait de la diversité des partenaires et des habitudes, entre ONG institutionnalisées et alternatives décroissantes sans argent. Là aussi, on a dû composer avec un pied dans le système, un autre dans l’expérimentation. Ainsi, des personnes ont été rémunérées normalement via leurs institutions, d’autres ont essayé de s’auto-instituer une dotation inconditionnelle d’autonomie quand d’autres étaient seulement volontaires. Tout au long du projet, l’équipa a été animé par la volonté de construire des circularités : chaque euro ne doit pas être une dépense mais un investissement renforçant un projet, un partenaire ou un outil. Par exemple, les salaires hors du budget direct de la conférence offraient du temps libre pour s’impliquer dans le projet. De même plutôt que de payer directement la graphiste qui a fait le logo, nous lui avons acheté un vélo-cargo fabriqué par un des partenaires. Ou encore, le montage d’une vidéo de communication a été payé en paniers de légumes bios délivrés en vélo-cargo dans Budapest.

De la même manière, nous avons limité au maximum le recrutement de prestataires de service dans une logique de réappropriation des outils. Le plus bel exemple est la formidable et ambitieuse coopération entre nos équipes scientifiques et des programmeurs qui a permis de mettre en place des plateformes open source que l’on a utilisées pour la partie universitaire des rencontres. Nous avons même expérimenté un système de relecture classique avec un comité scientifique participatif en impliquant toutes les personnes qui ont soumis leurs travaux.

Un des défis majeurs était de nourrir plusieurs centaines de personnes avec des produits locaux et bios pendant une semaine, achetés directement auprès de nos partenaires producteurs et avec une cuisine locale et végétarienne. Au terme d’une coopération de plus d’un an semée d’embûches, nous avons réussi à faire travailler ensemble plusieurs coopératives pour un résultat d’une grande qualité qui a permis de renforcer les dynamiques locales. Enfin, nous avons trouvé un équilibre intéressant puisque 80% du budget a été auto-financé par les dons libres mis en place pour l’inscription à la conférence. L’argent a été géré par cinq organisations différentes de manière transparente.

Le budget comptable est dérisoire comparé à l’investissement réel, aux bénéfices humains et à l’impact global à court, moyen et long terme. Ainsi, on a su minimiser les dépenses inutiles et redistribuer à la fin un petit surplus pour dédommager des volontaires, soutenir des projets locaux portés par les organisateurs, contribuer à l’organisation d’une réunion du groupe de soutien en vue des prochaines éditions ou encore offrir un pécule de départ pour nos successeurs.

De même, plusieurs partenaires — en particulier des prestataires qui au départ ne connaissaient rien à la décroissance — ont été agréablement surpris par l’aventure et ont spontanément proposé des ristournes ! Pour l’un d’eux, en guise de facture, nous avons reçu un courriel de remerciement mettant en avant comment cette expérience a remis en question leur entreprise, leur rapport au travail et à leurs familles !conference-2

Pour conclure, cette expérience m’a confirmé à quel point l’indicateur argent est absurde et pervertit les perceptions. Il représente un modèle d’irrationalité de la raison. De plus, son utilisation est extrêmement chronophage, absurde, trompeuse, fourbe et source de frustrations et conflits.

Plus que jamais je suis conscient de l’importance de décoloniser nos imaginaires économicistes, de promouvoir et souligner les bienfaits de l’économie de réciprocité, de remettre les marchés à leur place, de ré-encastrer l’économie. L’expérience collective et les échanges sont sans commune mesure avec un quelconque calcul comptable. La vie ne se compte pas plus que l’argent ne se mange.

Diversité, dialogues et ouvertures

« Une volonté collective et partagée de se remettre en question, de faire des pas de côté est fondamentale. »

Il y a autant de chemins vers la décroissance que d’objectrices et d’objecteurs de croissance. Dès les débuts, nous avons souhaité construire un projet ouvert à la diversité de la décroissance, ses chemins, ses méthodes et ses approches. Historiquement, ces conférences internationales, bien qu’universitaires, ont toujours eu le souci de proposer des ponts entre la pratique, l’expérimentation, le militantisme, le politique mais aussi l’art ou encore la société. C’est fondamental, cohérent mais cela représente aussi un sacré défi. Comment décoloniser l’imaginaire académique de nos amis universitaires pris dans leurs contraintes de devoir publier, d’entrer dans un moule qui souvent dénature la pensée de la décroissance ? Comment faire coopérer des praticiens radicaux de la décroissance vivant sans argent avec des responsables d’ONG devant justifier des dépenses ou reconduire des subventions afin de ne pas perdre leur job ? Comment offrir des espaces d’expression sur d’autres niveaux, plus émotionnels ou spirituels, artistiques, face à nos propensions à vouloir tout rationaliser ? Comment faire cohabiter tous ces acteurs aux quotidiens et ressentis si différents, des réseaux décroissants de Budapest au groupe de hackers d’Allemagne, en passant par le pôle scientifique de Zagreb, le groupe de soutien réparti dans toute l’Europe ou encore nos amis slovènes, allemands aux méthodes de travail moins balkaniques ou latines ? Il n’y a pas de recette magique. Une volonté collective et partagée de se remettre en question, de faire des pas de côté est fondamentale. Cette démarche consiste à reconstruire une vie en société en dépassant les entre-soi. Face aux incompréhensions, aux malentendus, on ne peut compter que sur l’expérience et la sagesse collective.

conference-4Dès la mise en place du projet, nous avons réfléchi à une stratégie de communication qui, me semble t-il, peut s’avérer riche d’enseignements pour la décroissance d’une part, et  pour les mouvements alternatifs de manière générale. Prenant en compte le contexte hongrois, nous avons construit une narration basée sur le questionnement dans une logique de dépasser les clivages politiques bloquant tout débat de société. Comment amener des populations désillusionnées par le politique à s’intéresser à une nouvelle utopie ? À notre grande surprise, les démarches d’ouverture à divers partenaires non décroissants ou décroissants sans le savoir, se sont avérées des plus pertinentes. La couverture médiatique a été énorme avec pas moins d’une centaine d’articles de presse, d’interviews, d’émissions radio ou TV, qui plus est sur tous les médias majeurs, de gauche et de droite, conservateurs et libéraux, mainstream, commerciaux et alternatifs. Le questionnement radical, le dialogue réfléchi nous a ouvert des portes pour des débats de fond pertinents qui continuent, d’ailleurs à se tenir. À méditer !

Le putain de facteur humain [i]

Au delà des défis techniques, institutionnels et économiques relevés, nous avons dû faire face au plus gros d’entre-eux : le putain de facteur humain… ou plutôt le précieux facteur humain ! Bien qu’animée par des ambitions théoriques louables, une telle aventure se heurte toujours à l’humain : égos blessés, absence de reconnaissance, équilibre à trouver entre ceux qui souhaitent plus de ci ou de ça. Comme ailleurs, ma décroissance a encore beaucoup à apprendre autour du lâcher prise. Comment arrêter de se regarder le nombril et accepter que l’autre ne perçoit pas les choses de la même manière ? Comment éviter la tentation totalitaire et sombrer dans l’entre-soi, ou dans l’écueil que représente l’uniformisation ?

L’importance de la diversité est majeure. Elle prend forme dans les liens noués avec d’autres mouvements, avec d’autres régions du monde et peut-être encore plus avec des milieux pas nécessairement décroissants. De même, il est important d’être humble et patient, de faire preuve d’humour et d’auto-dérision, de laisser des espaces à d’autres qui ne font pas les choses de la même manière. Pour des universitaires ou responsables d’ONG, il a par exemple été difficile d’accepter le chaos organisationnel de nos amis artistes… eux-mêmes agacés par les longues réunions ou les longs messages électroniques.

Comment éviter les reconstructions de clans, les replis, qui ont été nécessaires face au stress et à la charge de travail, notamment dans les dernières semaines ? Il n’a pas toujours été évident de laisser de la place à toutes et tous, entre les équipes françaises et les autres, les derniers arrivés, les décisions devant se prendre rapidement en hongrois. Mais la confiance donnée et la patience nous ont offert des moments de créativité et d’union uniques, magiques, représentés en particulier par le festival de rue sans voiture en clôture de la semaine !

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Un projet politique de décroissance

Une conférence laisse toujours sur sa faim : trop de belles choses, trop peu de temps pour aller en profondeur et aussi des différences d’expériences qui peuvent créer quelques frustrations. C’est pourquoi je n’attends plus grand chose de ce type de rencontres, sinon de passer un moment agréable et de se rencontrer. Il serait irréaliste d’espérer changer le monde ou de produire des solutions magiques en trois jours ! Une conférence ne remplace pas le travail quotidien de débat et d’expérimentation. Elle ne crée pas de grand soir. Toutefois, elle représente une étape qui permet de confronter ses propres réflexions, de trouver l’inspiration et de créer de nouvelles dynamiques. Une conférence est surtout une rencontre émotionnelle, susceptible de créer de la motivation et de mobiliser.

J’ai eu l’opportunité de participer à de belles et riches sessions. J’en citerais trois en particulier.

La première est lié à un projet qui m’enthousiasme, porté par François Briens : « La décroissance au prisme de la modélisation prospective : Exploration macroéconomique d’une alternative paradigmatique. » Au cours de l’année dernière, nous avons passé des dizaines d’heures ensemble sur Skype afin de construire le scénario développé dans notre ouvrage Un Projet de décroissance. Ce fut un exercice passionnant, nous amenant à entrer dans le détail de ce qu’on produit, comment et pour quel usage. Ce modèle permet de mettre en évidence des ordres de grandeur pertinents sur d’où nous venons, où nous en sommes et comment l’améliorer. On peut ainsi jouer sur plusieurs paramètres et construire des chemins souhaitables et soutenables à l’horizon 2060 en prenant en compte d’une part, un point de vue quantitatif sur l’économie, les ressources, les importations et exportations, le chômage, le budget public, et d’autre part, des réflexions plus qualitatives sur le rapport aux outils, au local, à l’éducation, au logement ou à la santé et à la mort.

Nous avons co-organisé avec François Schneider et Adrien Despoisse une session spéciale sur ce sujet avec trois approches : théorique, pratique et politique. En particulier, la relocalisation ouverte permet d’évacuer l’écueil du repli du soi, le danger du rejet de l’autre mais pose aussi la question des institutions, de l’articulation entre les territoires, entre le local et le global. Cette session a permis d’échanger entre le vécu local – se réapproprier le sens des limites, avoir des rapports différents à l’autre et à la nature – et sa pertinence d’un point de vue théorique et politique – quelles transitions, quelles stratégies de transformation et quelles solidarités.

La session spéciale organisée par Matthias Schmelzer m’a permis de revoir une vieille connaissance des réseaux français, Anne-Laure Pailloux qui a présenté ses travaux sur le cas français. Elle posait la question « qui sommes-nous ? »Interrogation récurrente s’il en est, au moins autant que les questionnements sur le terme décroissance. Lors de ce débat ouvert, plusieurs points de vue ont été débattus, notamment avec Giorgos Kallis, Federico Demaria, mais convergeaient tous sur cette affirmation : la décroissance est une pensée “parapluie” qui crée des liens entre différents mouvements complémentaires. Plus que jamais, je soutiens que la décroissance est un réseau s’appuyant sur des empêcheurs de penser en rond, dans une démarche radicale d’alliances et de recherche de cohérence.

« Ces nouveaux mondes, soutenables et désirables, conviviaux et autonomes, se construisent toujours plus chaque jour par le faire, les débats mais aussi à travers une visibilité grandissante. »

Et après ?

Nous avons décidé de toutes et tous nous revoir pendant deux jours deux mois après la conférence et de tout se dire. Je dois bien avouer que j’étais plutôt perplexe. J’avais tort. Même si ces deux journées se sont révélées intenses par moment, surtout émotionnellement, je dois reconnaître que ce fut une idée brillante ! C’est la première fois que je participe à une aventure collective qui décide d’aller aussi loin dans la transparence, l’auto-critique, l’auto-évaluation. Il a été intéressant de revenir sur les malentendus, les incompréhensions. De prendre le temps de mieux comprendre pourquoi les mêmes mots, certaines décisions, certains choix n’ont pas les mêmes significations pour toutes et tous. Quelle libération que d’oser exprimer les violences ressenties, de mieux comprendre les attentes déçues des uns et des autres. Ces deux jours se sont conclus avec un sentiment général d’apaisement, sans pour autant être toutes et tous d’accord sur tout. Mais nous sommes capables de l’assumer et de respecter ces différences.

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Cette aventure collective a été une expérience unique, par son intensité et la diversité de rencontres et d’apprentissage. Elle a été une étape, pas toujours facile. Je tiens d’ailleurs à remercier tous mes compagnons de route pour leur engagement, leur apport et aussi leur patience, leur tolérance et ouverture d’esprit.

Cette aventure continue aujourd’hui, plus calmement, dans notre magnifique réseau d’alternatives à Budapest et par le dialogue engagé en Hongrie dans les médias mais aussi dans les débats politiques et intellectuels. Elle continue aussi avec le groupe de soutien que nous rejoignons pour compléter des expériences collectives déjà très riches et préparer les prochaines étapes. J’espère que nous perpétuerons la dynamique initiée à Budapest de relocaliser, décentraliser, ouvrir, trouver des équilibres. Cela est maintenant entre les mains de nos successeurs qui, j’en suis sûr, ne manqueront pas de nous surprendre, peut-être aussi de nous agacer, mais surtout de nous réjouir. Enfin, cela continue dans les débats de société locaux où la décroissance doit plus que jamais jouer son rôle d’expérimentateur, de poil à gratter idéologique, de force de proposition afin de permettre toujours plus l’émergence d’alternatives. Ces nouveaux mondes, soutenables et désirables, conviviaux et autonomes, se construisent toujours plus chaque jour par le faire, les débats mais aussi à travers une visibilité grandissante. Non sans tâtonner et se tromper, ces expérimentations sont riches d’enseignements.

Nous arrivons à une étape charnière où la masse critique n’est plus loin et où se pose la question de transformer cet essai politique. Ces conférences, en offrant un espace unique de rencontres, de débat et une forte visibilité y contribuent. Elles nous permettent de nous faire oublier et prendre conscience à la fois que notre civilisation n’en finit plus de sombrer. Face à ces réalités déprimantes, d’autres voies sont possibles, continuons de les défricher.

Vincent Liegey

Nos Desserts :

Notes :

[i] Et non pas le « fucking French factor », lapsus fait lors de mon discours de clôture.

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