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Les violences d’Etat et de l’oligarchie s’intensifient. Face à elle, même si la colère est légitime, « utiliser la violence au nom de la lutte contre la violence est une impasse. » Il faut « au contraire ne jamais utiliser les outils du modèle que nous combattons et rester cohérent dans notre démarche. »
L’opposition à la société de croissance, à cette société de l’illimité, provoque toujours plus de présences policières, de provocations et de violences lors des manifestations. Les récents événements en apportent tragiquement la preuve.
Actuellement, toutes les conditions semblent réunies pour que surgissent des réactions fortes de la société civile face aux violences d’Etat et de l’oligarchie auxquelles elle fait quotidiennement face. L’histoire nous a appris que les inégalités, le mépris, l’impunité, la répression, lorsqu’ils connaissent des niveaux monstrueux comme ceux d’aujourd’hui, débouchent rarement sur le dialogue non-violent, le partage ou la convivialité.
La France vient de connaître un drame à Sivens qui cristallise l’ensemble de ces violences et représente un cas d’école qui devrait nous alerter sur l’impasse dans laquelle nous sommes tous engagés. L’émotion est forte. La tentation de répondre à toutes ces violences, à ce mépris et à de nouvelles provocations par la violence est grande. Pourtant, nous devons refuser cette alternative qui n’en est pas une.
Le drame était prévisible
Un projet inutile, entaché de conflits d’intérêt autour d’une petite clique d’éluset imposé avec un déni de démocratie criant, est à l’origine d’un déferlement de violence qui s’avérera dramatique.
Signe encourageant de la vivacité citoyenne de notre société, des collectifs s’organisent pour à la fois s’opposer de manière non-violente aux destructions hâtives et illégales mais aussi pour engager le débat et penser d’autres mondes, d’autres possibles, au-delà de la religion de la croissance et de la pensée unique.
Durant des semaines, opposants et forces de l’ordre se sont affrontés. Le 15 septembre, Reporterre – un média indépendant – expliquait qu’« à la violence de l’Etat, les résistants opposent… la générosité ». Dans le même temps, les médias dominants fermaient les yeux. La situation s’est alors envenimée. Plusieurs « personnalités » ont tenté d’alerter Mme Royal par rapport à « une violence insupportable et dangereuse des forces de l’ordre »… La suite est désormais connue, le drame était prévisible !
« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. » Albert Einstein
Les quelques images d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre marquent toujours plus les esprits que les slogans, les déclarations et les réflexions des opposants. Les images de violence sont trop souvent utilisées pour décrédibiliser nos idées, que ce soit par les médias ou par les politiques dominants, tous sous la coupe de l’oligarchie. La police infiltre même les manifestations pour provoquer et discréditer l’ensemble du mouvement, avec encore ces médias comme alliés.
D’autant plus, que la violence, et la peur qu’elle entraîne, a été de tout temps un outil des pouvoirs (1) pour éluder les débats de fond mais aussi pour casser la démocratie. Une chose est certaine : les images de violence, les peurs réelles ou créées, mais savamment entretenues par une oligarchie toujours plus gourmande, seront utilisées pour empêcher l’émergence d’alternatives. Il est de notre devoir de rappeler que le rôle des forces de l’ordre est de protéger la démocratie, donc de protéger le droit d’expression, et de manifestation. Cette violence est entretenue par le pouvoir en place et elle est donc bien de sa responsabilité. « Ceux qui définissent le niveau de la violence c’est la police ». C’est pourquoi, nous devons demander des commissions d’enquête sur ce type d’agissements.
Posture de non-violence
Colporter nos idées de manière cohérente a toujours été au centre des préoccupations des décroissants car si la Décroissance est un projet, elle est aussi un chemin et une méthode. Nous souhaitons construire des transitions démocratiques et sereines vers de nouveaux modèles de sociétés soutenables et souhaitables. C’est-à-dire des mondes apaisés, des mondes de dialogue, de solidarité et de partage, dans une logique de rompre avec les dominations et les violences tant physiques que symboliques, liées aux inégalités.
L’enjeu de la Décroissance, et des idées connexes débattues et expérimentées sur les ZAD et ailleurs, est d’essayer de comprendre comment les crises auxquelles nous faisons face sont interconnectées, de questionner la société, de mettre en avant des solutions, des propositions programmatiques mais aussi autour d’expérimentations et ainsi essayer de susciter du dialogue. Des postures agressives ou violentes bloquent ce processus, même avec des gens prêts à faire des pas de côté à la société de croissance.
Or, la transition est en marche … mais celles et ceux qui changent vraiment leur mode de vie restent minoritaires. Par contre, beaucoup en partagent l’idée sans parvenir encore à la vivre, à la faire vivre ou ne voyant pas comment faire, parfois même sans l’avoir réellement identifiée. Mais, les consciences sont prêtes. Il ne suffit que d’un déclic pour faire ces pas de côté, apportant espoirs, dialogues et convivialité car la violence ne peut pas être la voie du futur.
Avec une attitude claire et sans ambiguïté de non-violence, nous nous positionnons clairement en dehors de ce cercle vicieux de déstabilisation et de renforcement du système en place tant les épisodes de violence ont rarement amené des régimes vertueux.
Utiliser la violence au nom de la lutte contre la violence est une impasse. Nous devons au contraire ne jamais utiliser les outils du modèle que nous combattons et rester cohérent dans notre démarche.
Afficher une posture de non-violence est aujourd’hui fondamental car notre posture doit être à l’image des sociétés que nous souhaitons voir émerger.
Note
1 – Un exemple parmi beaucoup d’autres, symbolique et pourtant trop peu connu, en juillet 2013, un an avant de devenir président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker était poussé à la démission de son poste de Premier Ministre au Luxembourg à cause, rapportait le Monde, d’un« comportement ambigu », lié aux « activités des services de renseignement (…) qualifiée de « police secrète ». (…) Deux gendarmes membres d’une unité d’élite sont jugés pour avoir participé à des attentats dans les années 1980. Une vingtaine de bombes avaient explosé, provoquant un traumatisme national et créant l’idée que le petit Grand-Duché était, comme l’Italie ou la Belgique, victime d’une « stratégie de la tension » devant favoriser l’émergence d’un pouvoir autoritaire après une mise en évidence de la « faiblesse » de ces Etats. Pour les avocats des deux prévenus, c’est un réseau « stay behind », financé par les services secrets américains, qui aurait été à l’origine des attentats. »
Vincent Liegey, Thomas Avenel, Stéphane Madelaine et Christophe Ondet.
Cela nous ramène, entre autres, aux armées secrètes de l’Otan et nous montre comment la violence est bel et bien un outil efficace des pouvoirs.
A lire aussi : Les armées secrètes de l’Otan, Daniele Ganser, Demi-Lune, 2011.
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