Publié sur Le Couac. | ||
Chère Pauline,
Je t’écris pour te signaler un livre que tu devrais apprécier (tu permets que je te tutoie, avec les élections qui s’en viennent et les poignées de mains qui l’accompagnent, la familiarité est de mise, non ?). Ça s’appelle Un projet de décroissance. Manifeste pour une Dotation inconditionnelle d’autonomie (DIA), de Vincent Liegey et al. et ça vient d’être publié chez Écosociété.
Pourquoi je veux t’en parler ? Parce qu’avec ce qui s’en vient, ce que mon collègue David Murray appelle ironiquement « l’aboutissement du parcours démocratique de l’humanité » et que je me contenterai d’appeler la campagne électorale (tu seras d’accord pour dire qu’il est tellement toujours négatif), eh bien ce livre pourrait t’inspirer plein de bonnes idées à amener sur la place publique. Je suis sûr que ce sont des choses auxquelles tu as déjà pensées, mais avec ces élections qui tombent malencontreusement juste après la Commission sur la charte des valeurs québécoise, tu seras peut-être trop occupée pour y penser (la prochaine fois, demande à Jean-François de t’aider à mieux planifier ça). Je t’ai donc sorti les grandes lignes de l’ouvrage que tu n’auras qu’à reprendre pour les défendre bec et ongles dans les débats comme toi seule sais le faire.
D’abord tu sauras d’emblée, comme dans le livre, reconnaître que ce qui mine la société québécoise est bien évidemment cette idéologie de la croissance capitaliste qui asservit le monde. Une société perfusée au pétrole (ressource polluante non renouvelable) et qui prône une croissance infinie dans un monde fini, c’est tellement bête ! Ça doit te sauter aux yeux maintenant que t’as deux minutes pour y penser…
Le livre propose ensuite plein de trucs que tu vas adorer pour se sortir de cette impasse qui menace rien de moins que le fragile équilibre des écosystèmes qui nous font vivre (si tu veux en savoir plus sur ces « externalités », demande à Yves-François de t’expliquer, il en connaît un bout sur la question puisqu’il baigne littéralement là-dedans). L’idée centrale du livre, c’est de mettre le plus tôt possible de l’avant deux mesures qui doivent être nécessairement liées pour réduire les inégalités sociales qui gangrènent notre beau Québec : la Dotation Inconditionnelle d’Autonomie d’une part, et le Revenu maximal acceptable d’autre part. Évident n’est-ce pas ?
La première mesure est « une dotation versée à toute et tous de manière égale de la naissance à la mort, afin de garantir un niveau de vie décent et non tributaire de l’occupation d’un emploi » et la seconde « un plafond de revenus ne pouvant être dépassé ». Pas fou hein ! En plus, ce que tu vas être heureuse d’apprendre, c’est que cette dotation qui est bien entendu cumulable à tout autre revenu comme toutes les version de revenus de base inconditionnels n’est pas fournie uniquement en argent. Elle est aussi donnée en droit aux ressources et en services publiques gratuits ! Parles-en à Daniel, il pourrait jumeler ça à tous ses projets d’électrification du transport…
Quant au Revenu maximal acceptable imagine comment il pourrait contribuer à décoloniser nos imaginaires consuméristes en supprimant le mode de vie des plus riches, actuellement considéré comme LE mode de vie vers lequel tendre pour être heureux. Rappelle-toi par exemple, chère Pauline, comment ça dû te faire du bien quand tu avais enfin réussi à vendre ton manoir de L’Île-Bizard inspiré du château de Moulinsart des aventures de Tintin (tu as toujours été si jeune d’esprit) pour la modique somme de 6,5 millions de dollars ?
Et tu pourrais te sentir encore mieux, crois-moi, avec « moins de biens mais plus de liens » (génial, non, ce slogan de la décroissance conviviale ?) si tu fais la promotion des idées suivantes durant ta campagne électorale (et du coup, tu pourras presque reconnaître l’aile gauche de ton parti et arrêter de chier sur le SPQ libre, même s’ils semblent décidément y avoir pris goût avec le temps) :
Comme chaque personne doit pouvoir vivre dans un logement décent, chacun pourrait disposer avec sa dotation d’autonomie d’un nombre de mètre carrés minimum pour se loger et payer le surplus au prix du marché, mais un marché fortement régulé pour empêcher la spéculation immobilière ;
La part de la dotation dédiée à la nourriture pourrait être versée en monnaie locale afin d’inciter à consommer des produits locaux issus de petites entreprises soutenable écologiquement et juste socialement ;
Il faut sortir le plus possible l’automobile de nos villes, cette calamité pour la qualité de vie de la majorité des québécois.es qui y vivent et faire en sorte qu’elle ne soit plus le critère absolu qui dicte l’organisation urbaine de l’espace ;
L’école ne doit plus être un moyen de contrôle social et cesser d’être soumise aux pressions de l’économie dominante ; et bien sûr elle doit être gratuite incluant l’université, une petite erreur de parcours faite par ton gouvernement qui devra être évidemment corrigée…
Voilà qu’un infime échantillon de ce que tu retrouveras dans ce livre qui, tu en conviendras, contribuera à faire ce que toute campagne électorale devrait faire : soulever des questions importantes pour notre avenir collectif et en débattre de façon informée.
Je te laisse avec cette phrase d’André Gorz que tu pourras considérer en prenant la dure décision de te représenter ou non à ces prochaines élections : « La vraie vie commence hors du travail »…
Bien amicalement,
YVON