Un sympathisant nous a envoyé un petit ressenti sur la situation sociale de notre pays. Avec sa permission, nous vous en rendons compte tant son malaise est aussi partagé par beaucoup d’entre nous (pas toutes et tous). Le constat est sévère mais malheureusement juste.
Une dizaine de jours après le lancement d’une grève reconductible, toujours plus suivie et toujours plus soutenue par l’opinion publique, j’ai un sentiment amer.
A quoi rime tout cela ?
Hier (mardi 19 octobre), je suis allé manifester. C’est devenu une habitude, renforcée par de longues discussions avec mes collègues et mes amis. Je suis effaré par l’absence de réflexion, de débat de fond, de questionnement. Aux manif’, lorsque l’on écoute les slogans, que l’on lit les tracts, je suis désolé mais je trouve cela dramatique.
Ça l’est encore davantage en écoutant les Duflot, Aubry, Besancenot et Mélenchon… Tous sont en train de se positionner pour récupérer le mouvement mais, surtout, pour ne pas remettre en question notre modèle de société. Tous sont dans une posture électoraliste et opportuniste, pour défendre des acquis sociaux qui ne font pas grand sens si l’on ouvre les yeux sur l’absurdité de cette société de croissance !Il faut comprendre que, même si une retraite à 60 ans, ou à un âge plus précoce encore, était possible, cela resterait absurde puisque l’enjeu est ailleurs. Il est dans le questionnement sur la centralité du travail, sur le sens de nos vies et de ce que l’on produit et comment, non dans le fait de se demander combien d’années il est acceptable de se livrer à une activité absurde et aliénante.
L’appel aux lycéens est encore plus tragique : quel sens, à 16 ans (et j’ai fait la même chose en mon temps), y a-t-il à descendre dans la rue, non pas pour une vie meilleure ou pour une réappropriation de nos choix de vie, maintenant, mais pour s’ennuyer en retraite à regarder Drucker à la TV, à tondre la pelouse de son petit pavillon de banlieue ou encore à laver sa belle bagnole dans 44 ans plutôt que 46 !
Je suis désolé mais j’ai un sentiment d’amertume et de malaise par rapport à tout ça…
Et puis après, on fera quoi ? Comme pour le référendum sur le TCE, comme pour le mouvement social contre le CPE, il va y avoir retrait de la réforme mais de toute manière elle reviendra, sous une autre forme, dans 2-3 ans par le Parti Socialiste ou par d’autres, donc à quoi bon ?
Tout le monde va rentrer, en ayant la certitude d’avoir gagné une bataille, sans se poser plus de questions, bien au chaud chez soi et s’installer sur son canapé devant la télévision en mangeant des plats préparés achetés au supermarché du coin, en bagnole, après une dure semaine de labeur dans une entreprise de merde à produire ou à essayer de vendre des conneries !
A quoi rime tout cela ?
Lorsque l’on écoute la radio, que l’on lit les journaux, il n’y a rien : pas débat de fond, pas de réflexion ! Juste des faits sur, ici un abribus cassé, là Bussereau (Secrétaire d’Etat aux transports) qui raconte n’importe quoi sur l’approvisionnement de gazole, de manoeuvre de culpabilisation du citoyen à la sauce Borloo ou Lagarde, ou bien encore ici la queue dans les stations service, les trains qui soi-disant roulent normalement, etc. Ou pire, des arguments démagogiques et malhonnêtes tels que : « il ne s’agit pas d’un choix idéologique », « la société vieillit il faut allonger le temps de travail »… , en plus avec le soutien d’Angela (une bien pensante allemande) et de David (le sauveur du PIB anglais).
Et bien sûr, en parallèle, la stratégie de guerre civile mise en place par Sarko continue : le problème des banlieues, de l’insécurité puis des roms, les éternels casseurs et les grévistes fainéants maintenant. Que va-t-il se passer dans une semaine si blocage il y a ? Quelle issue à cette affaire ?
Le début d’une vraie prise ou crise de conscience ?
Je reste toutefois solidaire avec les camarades grévistes, qui vont y laisser des plumes, mais j’ai bien peur que tout cela ne se finisse mal (tensions entre grévistes et non grévistes, radicalisation du mouvement, provocations de la police, blocage et déblocage dans la violence, lycéens, étudiants, vrais faux casseurs, etc.) et pour pas grand-chose.
On est très loin du pas de côté. Pourtant, j’essaie de rester optimiste car à chaque manif’, il se passe des rencontres, des discussions, un enrichissement mais aussi de la convivialité autour des idées de la Décroissance. Alors, comme les collègues messins qui ont écrits : « N’attendons pas la retraite pour vivre la Décroissance ». N’attendons pas non plus demain pour vivre dignement le présent.
Un objecteur de croissance
Publié en octobre 2010