Le Coronavirus a poussé la quasi totalité de l’humanité à se confiner. En toute logique, les conséquences pour l’environnement s’avèrent des plus salvatrices avec entre autres, baisses des émissions de CO2 et de la pollution atmosphérique. Le PIB ralentit, la planète s’en porte mieux. Les Décroissants en ont rêvé, le Coronavirus l’a fait ?
Non. La période que nous sommes en train de vivre ne ressemble en aucun cas à la société de Décroissance que nous prônons. Ce ralentissement de l’économie est des plus inquiétants d’un point de vue social, démocratique et humain. Cette récession subie aura même des conséquences totalement contraires à ce qui pourrait et devrait émerger d’une Décroissance choisie. Toutefois, il nous semble que cette crise représente une opportunité à saisir pour repenser notre modèle de société, pour qu’il soit en mesure d’éviter ce genre de chocs ou de mieux les absorber.
Le Coronavirus est un révélateur mais aussi un accélérateur des inégalités : isolement des plus vulnérables, exploitation des plus précaires, contamination des plus exposés… Dans ces conditions exceptionnelles, c’est une fois de plus le monde du travail qui impose sa marche à suivre, et génère encore plus d’inégalités. De plus, la tentation autoritaire est de retour…
Pour la Décroissance le Coronavirus n’est en aucun cas une réjouissance, bien au contraire : cette situation est un échec de plus qui nous démontre que seuls un choc et une sidération permettent de susciter du débat, des prises de consciences, et, espérons-le, des changements pérennes dans nos comportements et une transformation en profondeur de notre modèle de société mortifère.
Dans une société individualiste basée sur l’illusion de toute puissance, il a fallu un virus pour nous rappeler le sens des limites et de la mesure, pour nous rappeler notre vulnérabilité, et mettre en évidence la fragilité des systèmes complexes que nous avons construits. Nous ne contrôlons pas la nature, nous en faisons partie. De même, nous faisons face à des limites techniques et énergétiques. Quand les frontières se ferment ou comme pour bientôt, quand le pétrole se met à manquer, c’est toute la chaîne industrielle qui s’effondre. Enfin, on ré-apprend l’humilité et le bon-sens sur le besoin de services publics, de relocalisation et de solidarités informelles.
Cette situation historique, non désirée et non désirable, est peut-être une dernière chance pour une sortie sereine de la société de croissance. Comment transformer une tragédie imposée en opportunité ? Depuis une semaine, nous devons réapprendre à ralentir, à revoir nos priorités, à nous désintoxiquer du travail, du productivisme et du consumérisme. Le hamster est sorti de sa roue et pourtant tout ne s’est pas effondré, la vie continue malgré tout…
La Décroissance que nous prônons c’est un peu ce que certains, libérés du travail, vivent ces jours-ci mais sans le confinement et avec de la convivialité, des solidarités, et en revenant à l’essentiel. La période actuelle nous enseigne qu’il est possible de ralentir, et que c’est même souhaitable, à condition d’adapter notre modèle économique à ce type de vie. L’expérience actuelle nous montre que le politique peut et doit reprendre le pouvoir sur une économie qu’il faut à tout prix remettre au service de la société, plutôt que de la protéger, de lui donner priorité, et de la mettre sous assistance, quitte à sacrifier les droits les plus élémentaires.
Elle nous recentre également sur des essentiels : l’accès à l’alimentation, à la santé apparaissent ainsi comme les deux besoins les plus vitaux. Elle questionne l’utilité même de certaines activités. En nous imposant une distanciation sociale, et un repli dans des interactions virtuelles appauvries, met violemment en évidence l’un des principes centraux de la Décroissance que rappelle notre slogan moins de biens, plus de liens : la convivialité.
Nous reviendrons dans les jours et semaines qui viennent sur ce que la Décroissance propose pour éviter ou mieux absorber des chocs d’origine sanitaire ou autr, qui ne manqueront de se reproduire si nous ne changeons rien. Cette période est une opportunité pour se reposer la question du sens de nos vies, de nos activités, de notre rapport à l’autre et à notre environnement, de ce qu’on produit ? Comment ? Pour quel usage ? De l’absurdité du toujours plus, du bougisme permanent, de la religion de l’économie. Comment penser et construire des transitions vers de nouveaux modèles de sociétés relocalisées mais ouvertes, justes, solidaires, soutenables mais surtout conviviales et souhaitables ?
La Décroissance nous y invite. Le Coronavirus, prémisse d’un effondrement annoncé et en cours, peut, avec la contrainte, nous offrir un espace pour des pas-de-côté. Mais la partie est loin d’être gagnée, tant la religion de la croissance reste présente et l’histoire nous montre que le retour à la « normale » est le plus souvent la norme. Pédagogie des catastrophes ou stratégie du choc, à nous de nous emparer de cette opportunité, en restant bien confinés, mais solidaires.
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