Revenu Inconditionnel d’Existence ou Dotation Inconditionnelle d’Autonomie ?

Publié dans Moins!, le journal romans de l’écologie politique.

Les réflexions au sein de la mouvance décroissante (1), du point de vue de la stratégie ou du projet politique, ont débouché sur une proposition appelée Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA) (2), couplée à un Revenu Maximum Acceptable (RMA). Cette Dotation représente un outil économique et social susceptible de nous faire sortir de l’impasse destructrice vers laquelle nous entraîne toujours plus vite la société de croissance. L’instauration de la DIA s’inscrit comme une possibilité de dépasser le capitalisme en déjouant ses mécanismes de séductions et de contraintes. Cette mesure entend promouvoir une transition démocratique et sereine vers des sociétés écologiquement soutenables et socialement justes.

Une proposition pour faire le pas de côté

La DIA intègre nos réflexions sur ce que devrait être la première des décroissances, celle des inégalités. Ainsi, elle est nécessairement couplée à un Revenu Maximum Acceptable.

La DIA comprend la logique de la gratuité du bon usage et du renchérissement du mésusage, pour l’eau, l’électricité ou le chauffage, par exemple ; elle remet en cause le principe même de la monnaie et s’en remet d’abord aux monnaies locales ou sociales. Ainsi, la DIA se différencie du revenu d’existence car elle n’est pas versée uniquement en Euros ou en Francs suisses.

Mais qu’est-ce qui différencie la DIA des autres revenus de base ?

C’est bien là la différence majeure entre DIA et revenu d’existence : la DIA participe à la création de gratuités d’usage et de tirage ainsi qu’à une réappropriation de la création monétaire en dehors des logiques de marché. A ce titre, la DIA est un outil de transition permettant une sortie progressive du capitalisme et de la religion de l’économie.  De son côté, un revenu d’existence peut accompagner le capitalisme dans sa chute.

Même si nous reconnaissons l’avancée sociétale que représenterait la mise en place d’un revenu de base, en particulier en tant qu’outil de justice sociale et de décentralisation de la valeur travail, nous pensons qu’il ne représente pas une fin en soi. La racine du problème, c’est le productivisme, le capitalisme, consumérisme et de manière générale l’absurdité de la société de Croissance. En ne corrigeant qu’à la marge certain de ses maux, telles que les inégalités et les exclusions, le RIE risquerait de ne pas vraiment s’y attaquer. Il pourrait même devenir simplement un palliatif à une société malade. Toutefois, la mise en place d’un revenu d’existence peut constituer une étape vers une DIA, notamment en l’accompagnant d’un RMA et si, à terme, l’aspect monétaire est supplanté par des droits et des usages ainsi que des modèles économiques relocalisés alternatifs.

Repolitiser la société et resocialiser la politique (3)

Le revenu d’existence ne questionne pas, mais surtout ne suscite pas d’interrogations sur le contenu et le sens de nos consommations, et donc de nos productions. De son coté, la DIA a pour objectif de se réapproprier le sens de nos vies : que produisons nous, comment, pour quel usage ? Loin de refuser le travail en tant qu’activité, la DIA le redéfinit pour le mettre au service de l’homme et non de l’économie. Cette proposition vise à nous affranchir de la centralité du travail qui conduit à nous déshumaniser et à faire de nous de simples agents économiques. La DIA s’inscrit comme un outil pour retrouver notre autonomie(4) et notre réflexion.

La DIA est aussi un outil de repolitisation de la société en incitant le citoyen à s’approprier démocratiquement, de manière participative son contenu : qu’est-ce qu’une vie frugale et décente ? Comment organiser la société pour permettre à toutes et tous de vivre dignement ? Comment partager les tâches difficiles ? Qu’est-ce que le bon-usage, qu’est-ce que le mésusage d’une même ressource ?

Ainsi la DIA serait donnée en droit d’usage, en droit de tirage, un versement en monnaie locale fondante et éventuellement de manière transitoire, une petite partie en Euros ou en Francs suisses. Le droit d’usage s’applique par exemple au logement, au transport, à un local d’activité et/ou une parcelle de terre. Le droit le tirage consiste en une certaine quantité d’eau, d’électricité, de gaz, etc. Enfin, les versements en monnaie locale fondante pourraient s’utiliser seulement pour des achats de produits locaux et soutenables promouvant ainsi une relocalisation ouverte et une économie sociale et solidaire. Le contenu exact, la forme et les quantités seraient débattus et discutés démocratiquement et localement.

Tout en protégeant les populations face à la peur du lendemain et donc de l’autre, le but est de trouver des leviers permettant d’initier une décolonisation de nos imaginaires (en particulier économiciste), ainsi que la transition vers une Décroissance soutenable, sereine et conviviale. La soutenabilité passant par la relocalisation ouverte ainsi que par la transformation de nos productions et consommations. La réappropriation de la démocratie à travers une société autonome garantissant la sérénité. Un autre rapport à l’autre et au temps, « travailler moins pour vivre mieux », pour plus de convivialité.

Loin d’être une proposition irréaliste, la DIA est déjà en marche à travers le développement ici et là d’alternatives concrètes. L’enjeu est de passer à une vitesse supérieure afin de rompre avec les maux engendrées par les plans d’austérités dévastateurs mais aussi les crises à venir. La mise en place de cette dotation peut suivre plusieurs scénarios : d’un partage du temps de travail équitable ou de l’instauration d’un revenu d’existence qui déboucherait de manière transitoire à une DIA ; ou partant des alternatives concrètes déjà existantes, vers une extension et une mise en réseaux de celles-ci débouchant ainsi sur une DIA.

Proposer une DIA et un RMA, c’est intégrer le « bien vivre ensemble » et la réappropriation démocratique en retrouvant le sens des limites que la société de croissance a perdu. C’est un outil pour refuser le travail aliénant et redéfinir nos besoins, nos usages et les conditions pour les assouvir.

Vincent Liegey, Christophe Ondet, Anisabel Veillot et Stéphane Madelaine, membres du Parti Pour La Décroissance.

A venir : Un projet de Décroissance, Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA), éditions Utopia, janvier 2013.
http://www.projet-decroissance.net/

(1)   10 entretiens filmés pour mieux comprendre la Décroissance : http://www.partipourladecroissance.net/?page_id=6736

(2)   Pour aller plus loin sur la DIA : http://www.partipourladecroissance.net/?page_id=6993

(3)   http://www.partipourladecroissance.net/?page_id=6859

(4)   Au sens de Cornelius Castoriadis.

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